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Le supplément d'âme de votre cours de français
8 mars 2013

Corrigé de l'invention Utopie

Voici un texte rédigé par mes soins. Il ne s'agit que d'un exemple, évidemment. Je pars du principe que c'est mieux de vous proposer quelque chose plutôt que rien, pas vrai?

Vous constaterez que:

- mon texte est essentiellement descriptif. Il ne s'agit pas de raconter mais de décrire un fonctionnement. Quelques éléments narratifs peuvent néanmoins s'y glisser pour faire progresser la découverte de l'environnement, cela dynamise le texte.

- je décris plusieurs aspects, de façon à faire apparaître plusieurs éléments de critique sous-jacente. MAIS mon ensemble est cohérent: je dénonce globalement le dévoiement de la culture dans le monde contemporain, tout en évoquant la question du metissage et du système politique.

- j'ai donc choisi un angle particulier, mais vous étiez tout à fait libres d'en choisir un autre. Le tout était que l'on comprenne ce que vous dénonciez.

- j'ai commencé comme la plupart d'entre vous par le réveil des personnages dans le monde utopique, puisque c'est lui mon objet. C'est pratique et sûr.

- j'ai choisi des noms de personnages en cohérence avec mon texte, ce sont des noms latins, faisant référence, du moins pour Horace, à la culture antique. Ne négligez pas l'importance de l'onomastique dans un récit. Le nom de la ville imaginaire est construit sur des étymons grec et latin: bibl / le livre + hestia/le foyer.

- je présente le lieu comme isolé du reste du monde, et j'insiste sur le bonheur de ses habitants.

- ma langue est précise et mon vocabulaire varié. Je soigne mon ouverture et ma clotûre.

- ma présentation est aérée.

 

 

           Le ciel n’était pas pur et pourtant l’horizon s’ouvrit plus largement que jamais dans le regard d’Horace et Calpurnia lorsqu’ils s’éveillèrent ce matin-là, au terme d’une longue errance que nul almanach ne pouvait circonscrire et qui avait épuisé leurs forces et leur foi en l’exil ou le refuge.

              Cette ville, où ils se trouvaient sans bien savoir comment, aurait pu naitre de la toquade d’un peintre.

           Murs et frontons n’y avaient rien d’uniforme ou de sinistre. Au contraire, chaque façade déployait l’enchantement d’une architecture variée et hétéroclite ainsi que  la palette de sa population métissée : la yourte d’exquis bois peint jouxtait le palais de branches fragiles, ou l’opulent gratte-ciel dont les  mille fenêtres miroitaient comme des bijoux.  Les enseignes des minuscules échoppes étaient autant de poèmes suspendus au-dessus des portes, illustrant presque magiquement les talents des artisans dont la ville fourmillait.

           Partout, sur d’immenses bancs blancs, chacun entretenait avec des inconnus des conversations animées,  profitant d’une minute d’oisiveté pour lier connaissance. Et c’était tout un chœur d’éloquence qui s’élevait ainsi sur la cité joyeuse.

       Au cours de leur déambulation et de leur dialogue avec les autochtones, Horace et Calpurnia constatèrent avec étonnement le livre était omniprésent. En réalité, la culture écrite semblait la pierre angulaire de cette société de lecteurs, qui, nos héros l’apprirent de la bouche même des habitants, savaient lire de façon quasi innée, comme si des siècles d’atavisme avait développé en eux cette capacité spontanée. Là où des écrans saturés d’images stériles encombraient l’esprit d’Horace et Calpurnia, c’était des vers de La Fontaine, et de Whitman, des répliques de Sophocle ou Marivaux, des évocations d’Homère, d’Hugo qui nourrissaient les consciences dès l’âge le plus tendre. Ainsi, loin se laisser abrutir et manœuvrer, les habitants de Biblhestia – la bien-nommée -  exerçaient leur esprit critique avec une acuité qu’aucun orateur, aussi habile ou pernicieux  fût-il, ne pouvait aveugler. Il en découlait naturellement que la démocratie était revenue à son expression la plus pure : le peuple éclairé élisait une assemblée de dignes représentants que rien ne pouvait corrompre, que guidait seul l’intérêt général et qui siégeaient dans de larges hémicycles, ouverts aux ventx et au public. Si par quelque égarement dû à l’inaliénable « nature humaine », l’un contrevenait à ces principes, il était, une fois sa culpabilité établie par une enquête rigoureuse,  définitivement destitué et rendu à la vie civile. La contrée était ainsi gouvernée, en l’absence de gouvernement, car le peuple avait jadis jugé qu’un pouvoir incarné trop distinctement ne pouvait être soumis à un examen suffisamment objectif. Chacun était ainsi responsable des décisions prises par la noble assemblée, et travaillait à les réaliser et les appliquer avec justice.

             Bien que la communauté fût pétrie de connaissances et soucieuse des œuvres de l’esprit humain, elle n’était en rien ennuyeuse ou austère. Enfants et adolescents, comme partout, s’y distrayaient  avec légèreté. Le savoir  ne les rendait pas graves, au contraire, il les libérait des vicissitudes du conformisme, de la pensée unique et des loisirs de masse qu’Horace et Calpurnia avaient si souvent vécus comme autant d’injonctions pesantes. Ici, la singularité, la force créatrice était constamment exprimée : les plus petits dessinaient sur les sentiers des univers pleins de fantaisie où se déroulaient des aventures infinies, il fallait les voir cavaler en troupes riantes et bariolées, réinventant quelque épisode oublié de l’histoire. Les plus grands débattaient passionnément, ne restaient jamais passifs : souvent, à l’impromptu, ils investissaient les rue du spectacle de leur musique et leurs danses, toujours nouvelles. Parfois, dans un coin à l’écart, ils échangeaient tout bas des mots d’amour…. Calpurnia en avait saisi quelques-uns au vol et c’étaient comme des étoiles, une promesse  que peut-être, ailleurs, il existait un lieu où l’homme était enfin rendu moins bête et redécouvrait le pouvoir et le charme des mots.

 

 

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