Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le supplément d'âme de votre cours de français
20 mars 2013

Notes et introduction pour l'extrait de La scène, Valère Novarina

« Devant la parole »*. C’est là que l’écrivain Valère Novarina situe le texte, la scène et l’acteur de théâtre, dans un face à face étrange  avec le langage, au cœur même des mots qui nous constituent, nous étouffent ou nous égarent. Toute l’œuvre de ce dramaturge, peintre à ses heures, propose ainsi une longue et pénétrante exploration dans le corps de la parole, pour en interroger les  limites, en dévoiler les incongruités, en exprimer la capacité à torturer ceux qui l’utilisent. A l’instar de Ionesco qui à travers  la Cantatrice chauve faisait « claquer » la langue dans son irrémédiable dislocation, Novarina, dans cet extrait de La scène, met en exergue le joug menaçant qu’elle exerce sur la condition humaine,  avec pour toile  de fond un comique aussi grinçant qu’inquiétant. Ici, c’est donc  « le vrai sang »* de l’homme et celui de la parole qui coulent entremêlés, au cours d’un dialogue à la tournure allégorique, dépourvu de caractères et d’intrigue, dont l’objet n’est autre que faire surgir la souffrance de l’être parlant.

* = titres d'oeuvres de Novarina.

 

Suppléments :

novarina# Il s'agit ici de la mise en scène de l'auteur lui-même pour la pièce. L'ensemble de la scène est occupée ces petites "cellules" ouvertes face au public, décorée de figures qui s'animent au fil du dialogue, comme des tableaux qui parleraient. Cela permet l'intervention des multiples personnages présents dans le texte.


# Feuilletez le début du texte

 

# Une présentation de l'oeuvre, par Pierre Notte, metteur en scène et auteur actuellement en résidence au Prisme:

Son langage singulier, du Discours aux animaux à l’Origine rouge, du Drame de la vie à l’Opérette imaginaire, donne à voir le verbe théâtral comme substance charnelle, parfois douloureuse, souvent comique. « Que voit-on sur scène ? » Les acteurs chutent. Souffrent-ils vraiment ? La passion qui s’offre devant nous est-elle celle de l’acteur ou du langage ? La parole est-elle notre matière véritable – comme le bois pour Pinocchio ? Sommes-nous en mots comme les pantins sont en bûches ? Sommes-nous les jouets de ce que nous entendons ? Comment se développe et s’explique dans l’espace, comment se déplie le tissu respiré du langage ? Comment le spectateur se souvient-il de l’envers des mots et toujours du négatif de la scène précédente ? Pourquoi l’acteur entre-t-il ? Que voit-on dans le langage ? Rien ? Toutes les choses ? Est-il notre chair ? Est-il la matière même ? Le langage est-il l’Acteur de l’Histoire ?

Retournant sur les lieux de l’Origine rouge, Valère Novarina poursuit et précise sa recherche d’un théâtre où le spectateur et l’acteur seraient agis par la force « hallucinogène, salvatrice et terrifiante » des mots – et où sur scène, par instants, la parole se verrait.

#  Un autre article sur l'oeuvre, de C. Jacq:

La mise en souffle de cette « logo-dynamique », dirait l’auteur et metteur en scène, révélait toute la charpente de la rythmique, proche d’une chorégraphie physique du langage, dont l’architecture peut échapper à une simple lecture.

La Scène suit trois fils conducteurs : le théâtre, la philosophie et, bien entendu, la religion. Trois prismes qui permettent d’ausculter l’humain à la manière d’un animal aussi étrange que prévisible. En ayant l’air de regarder ailleurs, Valère Novarina convie bel et bien le lecteur à assister à une scène biblique : la quête des origines spirituelles de l’humain. Sur le papier, la dénomination des personnages révèle l’ensemble des thèmes sous-jacents abordés par le texte. Diogène discutaille avec Isaïe Animal, Trinité, la Sybille. Pascal ne pouvait pas être absent de la partie, bibliquement le pauvre est incontournable ; et comme il s’agit de théâtre, la Machine à dire la suite se charge de compléter les phrases et même les ouvriers du drame (comprenez les techniciens du théâtre) se mêlent de la conversation. L’humour et l’autodérision demeurent en filigrane lorsque l’auteur évoque – à sa manière – le Christ par la bouche d’Isaïe Animal : «Depuis le jour de ma naissance, le terme de crucifixion ne me convient pas : je ne ressens rien, je ne pense rien, je n’éprouve rien, je n’entends rien, je ne vois rien. Où va cet homme ?», ou sa propre fascination amusée pour le langage : «Que fait le langage ? L’air, absorbé par la brocarde grande ouverte ou les deux nasemurches, passe dans le tuyau sapiential : deux clapets le dirige alternativement vers les fongiques et les sponginiques 1 et 2, il irrigue le logunium puis passe en réseau… il devient en paroles et frappe les gens qui sont devant».

Valère Novarina livre tout au long de sa pièce des informations sur son art de façonner le langage et son texte, et nous fait partager sa réflexion sur la manière de la mettre en scène, dans quel rapport au théâtre. «Que représentes-tu ?» questionne Isaïe Animal. «Depuis le jour un de ma naissance, je ne suis pas dans la représentation mais dans la preuve», lui répond Pascal ; ce à quoi Diogène rétorque «Resterait à dire ce qui distingue un acteur véritable d’un imitateur d’homme». L’auteur semble donner l’essence et la matière de son écriture simultanément au texte fini. Un procédé qui donne la sensation d’assister à l’accouchement de la pièce de l’intérieur de la boîte crânienne de l’auteur.

# Et voyez ici une master class de Novarina à l'Ecole de théâtre de Lyon, une interview où il s'exprime sur le langage.

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Le supplément d'âme de votre cours de français
Publicité
Archives
Publicité